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LES ROUGON-MACQUART

doigts, pour lui recommander de parler tout bas. Puis, à son oreille :

— Vous ne savez pas, l’aventure est bonne : c’est M. de Saffré qui est là.

— Vous ne lui avez pas dit au moins que j’étais ici ? demanda la jeune femme inquiète.

La courtière sembla surprise, et très naïvement :

— Mais si… Il attend que je lui dise d’entrer. Bien entendu, je ne lui ai pas parlé des cinquante mille francs…

Renée, toute pâle, s’était redressée comme sous un coup de fouet. Une immense fierté lui remontait au cœur. Ce bruit de bottes, qu’elle entendait plus brutal dans la chambre d’à côté, l’exaspérait.

— Je m’en vais, dit-elle d’une voix brève. Venez m’ouvrir la porte.

Madame Sidonie essaya de sourire.

— Ne faites pas l’enfant… Je ne puis pas rester avec ce garçon sur les bras, maintenant que je lui ai dit que vous étiez ici… Vous me compromettez, vraiment…

Mais la jeune femme avait déjà descendu le petit escalier. Elle répétait devant la porte fermée de la boutique :

— Ouvrez-moi, ouvrez-moi.

La marchande de dentelles, quand elle retirait le bouton de cuivre, avait l’habitude de le mettre dans sa poche. Elle voulut encore parlementer. Enfin, prise de colère elle-même, laissant voir au fond de ses yeux gris la sécheresse aigre de sa nature, elle s’écria :

— Mais enfin que voulez-vous que je lui dise à cet homme ?