Page:Emile Zola - La Curée.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
LES ROUGON-MACQUART

fait d’une personne qui vient d’entendre une chose prodigieuse, oh ! j’ai bien d’autres idées en tête. Je ne veux pas d’un homme. J’ai mon plan, vous verrez plus tard. Je ne suis pas une bête, allez.

Renée ne put en tirer une parole plus claire. Ses soucis, d’ailleurs, grandissaient. Sa vie tapageuse, ses courses folles rencontraient des obstacles nombreux qu’il lui fallait franchir, et contre lesquels elle se meurtrissait parfois. Ce fut ainsi que Louise de Mareuil se dressa un jour entre elle et Maxime. Elle n’était pas jalouse de « la bossue, » comme elle la nommait dédaigneusement ; elle la savait condamnée par les médecins, et ne pouvait croire que Maxime épousât jamais un pareil laideron, même au prix d’un million de dot. Dans ses chutes, elle avait conservé une naïveté bourgeoise à l’égard des gens qu’elle aimait ; si elle se méprisait elle-même, elle les croyait volontiers supérieurs et très estimables. Mais, tout en rejetant la possibilité d’un mariage qui lui eût paru une débauche sinistre et un vol, elle souffrait des familiarités, de la camaraderie des jeunes gens. Quand elle parlait de Louise à Maxime, il riait d’aise, il lui racontait les mots de l’enfant, il lui disait :

— Elle m’appelle son petit homme, tu sais, cette gamine ?

Et il montrait une telle liberté d’esprit, qu’elle n’osait lui faire entendre que cette gamine avait dix-sept ans, et que leurs jeux de mains, leur empressement, dans les salons, à chercher les coins d’ombre pour se moquer de tout le monde, la chagrinaient, lui gâtaient les plus belles soirées.

Un fait vint donner à la situation un caractère singu-