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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/267

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LA CURÉE

lier. Renée avait souvent des besoins de fanfaronnade, des caprices de hardiesse brutale. Elle entraînait Maxime derrière un rideau, derrière une porte et l’embrassait, au risque d’être vue. Un jeudi soir, comme le salon bouton d’or était plein de monde, il lui poussa la belle idée d’appeler le jeune homme, qui causait avec Louise ; elle s’avança à sa rencontre du fond de la serre, où elle se trouvait, et le baisa brusquement sur la bouche, entre deux massifs, se croyant suffisamment cachée. Mais Louise avait suivi Maxime. Quand les amants levèrent la tête, ils la virent, à quelques pas, qui les regardait avec un étrange sourire, sans une rougeur ni un étonnement, de l’air tranquillement amical d’un compagnon de vice, assez savant pour comprendre et goûter un tel baiser.

Ce jour-là Maxime se sentit réellement épouvanté et ce fut Renée qui se montra indifférente et même joyeuse. C’était fini. Il devenait impossible que la bossue lui prît son amant. Elle pensait :

— J’aurais dû le faire exprès. Elle sait maintenant que « son petit homme » est à moi.

Maxime se rassura, en retrouvant Louise aussi rieuse, aussi drôle qu’auparavant. Il la jugea « très forte, très bonne fille. » Et ce fut tout.

Renée s’inquiétait avec raison. Saccard, depuis quelque temps, songeait au mariage de son fils avec mademoiselle de Mareuil. Il y avait là une dot d’un million qu’il ne voulait pas laisser échapper, comptant plus tard mettre les mains dans cet argent. Louise, vers le commencement de l’hiver, étant restée au lit pendant près de trois semaines, il eut une telle peur de la voir mourir avant l’union projetée, qu’il se décida à marier les en-