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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/276

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LES ROUGON-MACQUART

que le voleur avait compris le parti qu’il pouvait tirer de cette pièce et qu’il voulait se la faire racheter cent mille francs.

Saccard réfléchissait. Le conte lui parut par trop grossier. Évidemment, Larsonneau se souciait peu, au fond, d’être cru. Il cherchait un simple prétexte pour lui faire entendre qu’il voulait cent mille francs dans l’affaire de Charonne ; et même, à cette condition, il rendrait les papiers compromettants qu’il avait entre les mains. Le marché parut trop lourd à Saccard. Il aurait volontiers fait la part de son ancien collègue ; mais cette embûche tendue, cette vanité de le prendre pour dupe, l’irritaient. D’ailleurs, il n’était pas sans inquiétude ; il connaissait le personnage, il le savait très capable de porter les papiers à son frère le ministre, qui aurait certainement payé pour étouffer tout scandale.

— Diable ! murmura-t-il, en s’asseyant à son tour, voilà une vilaine histoire… Et pourrait-on voir le gueux en question ?

— Je vais l’envoyer chercher, dit Larsonneau. Il demeure à côté, rue Jean Lantier.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées, qu’un petit jeune homme, louche, les cheveux pâles, la face couverte de taches de rousseur, entra doucement, en évitant que la porte fît du bruit. Il était vêtu d’une mauvaise redingote noire trop grande et horriblement râpée. Il se tint debout, à distance respectueuse, regardant Saccard du coin de l’œil, tranquillement. Larsonneau, qui l’appelait Baptistin, lui fit subir un interrogatoire, auquel il répondit par des monosyllabes, sans se troubler le moins du monde ; et il recevait en toute indifférence les noms de voleur, d’escroc, de scélérat, dont son pa-