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LA CURÉE

tron croyait devoir accompagner chacune de ses demandes.

Saccard admira le sang-froid de ce malheureux. À un moment, l’agent d’expropriation s’élança de son fauteuil comme pour le battre ; et il se contenta de reculer d’un pas, en louchant avec plus d’humilité.

— C’est bien, laissez-le, dit le financier… Alors, monsieur, vous demandez cent mille francs pour rendre les papiers ?

— Oui, cent mille francs, répondit le jeune homme.

Et il s’en alla. Larsonneau paraissait ne pouvoir se calmer.

— Hein ! quelle crapule ! balbutia-t-il. Avez-vous vu ses regards faux ?… Ces gaillards-là vous ont l’air timides et vous assassineraient un homme pour vingt francs.

Mais Saccard l’interrompit en disant :

— Bah ! il n’est pas terrible. Je crois qu’on pourra s’arranger avec lui… Je venais pour une affaire beaucoup plus inquiétante… Vous aviez raison de vous défier de ma femme, mon cher ami. Imaginez-vous qu’elle vend sa part de propriété à M. Haffner. Elle a besoin d’argent, dit-elle. C’est son amie Suzanne qui a dû la pousser.

L’autre cessa brusquement de se désespérer ; il écoutait, un peu pâle, rajustant son col droit, qui avait tourné, dans sa colère.

— Cette cession, continua Saccard, est la ruine de nos espérances. Si M. Haffner devient votre coassocié, non seulement nos profits sont compromis, mais j’ai une peur affreuse de nous trouver dans une situation très désagréable vis-à-vis de cet homme méticuleux qui voudra éplucher les comptes.