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LA CURÉE

pris et quelque peu inquiet de trouver Maxime de l’autre côté de la portière. Le jeune homme était assis sur une causeuse, à côté d’une dame blonde, qui lui racontait d’une voix monotone une longue histoire, la sienne sans doute. Il avait, en effet, entendu la conversation de son père et de Larsonneau. Les deux complices lui paraissaient de rudes gaillards. Encore vexé de la trahison de Renée, il goûtait une joie lâche à apprendre le vol dont elle allait être la victime. Ça le vengeait un peu. Son père vint lui serrer la main d’un air soupçonneux ; mais Maxime lui dit à l’oreille, en lui montrant la dame blonde :

— Elle n’est pas mal, n’est-ce pas ? Je veux la « faire » pour ce soir.

Alors Saccard se dandina, fut galant. Laure d’Aurigny vint les rejoindre un moment ; elle se plaignait de ce que Maxime lui rendît à peine visite une fois par mois. Mais il prétendit avoir été très occupé, ce qui fit rire tout le monde. Il ajouta que désormais on ne verrait plus que lui.

— J’ai écrit une tragédie, dit-il, et j’ai trouvé le cinquième acte hier seulement… Je compte me reposer chez toutes les belles femmes de Paris.

Il riait, il goûtait ses allusions, que lui seul pouvait comprendre. Cependant, il ne restait plus dans le salon, aux deux coins de la cheminée, que Rozan et Larsonneau. Les Saccard se levèrent, ainsi que la dame blonde, qui demeurait dans la maison. Alors la d’Aurigny alla parler bas au duc. Il parut surpris et contrarié. Voyant qu’il ne se décidait pas à quitter son fauteuil :

— Non, vrai, pas ce soir, dit-elle à demi-voix. J’ai une migraine !… Demain, je vous le promets.