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LES ROUGON-MACQUART

comprenez-vous ? Et c’est là que j’ai paru douter de votre honnêteté et que je vous ai accusé de vouloir duper vos créanciers… Est-ce que ma femme comprend quelque chose à tout cela ?

Larsonneau hochait la tête en murmurant :

— N’importe, vous auriez dû chercher quelque chose de plus simple.

— Mais mon histoire est la simplicité même ! dit Saccard très étonné. Où diable voyez-vous qu’elle se complique ?

Il n’avait pas conscience du nombre incroyable de ficelles qu’il ajoutait à l’affaire la plus ordinaire. Il goûtait une vraie joie dans ce conte à dormir debout qu’il venait de faire à Renée ; et ce qui le ravissait, c’était l’impudence du mensonge, l’entassement des impossibilités, la complication étonnante de l’intrigue. Depuis longtemps il aurait eu les terrains, s’il n’avait pas imaginé tout ce drame ; mais il aurait éprouvé moins de jouissance à les avoir aisément. D’ailleurs, il mettait la plus grande naïveté à faire de la spéculation de Charonne tout un mélodrame financier.

Il se leva, et prenant le bras de Larsonneau, se dirigeant vers le salon :

— Vous m’avez bien compris, n’est-ce pas ? Contentez-vous de suivre mes instructions, et vous m’applaudirez après… Voyez-vous, mon cher, vous avez tort de porter des gants jaunes, c’est ce qui vous gâte la main.

L’agent d’expropriation se contenta de sourire en murmurant :

— Oh ! les gants ont du bon, cher maître : on touche à tout sans se salir.

Comme ils rentraient dans le salon, Saccard fut sur-