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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/299

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LA CURÉE

toire, je n’entendais qu’un grand bourdonnement, et j’étais tellement anéantie, qu’il m’aurait fait mettre à genoux, s’il avait voulu, pour signer ses paperasses. Et je m’imaginais que j’avais des remords !… Vrai, j’étais bête à ce point !…

Elle éclata de rire, des lueurs de folie luisaient dans ses yeux. Elle continua, en serrant plus étroitement son amant.

— Est-ce que nous faisons le mal, nous autres ! Nous nous aimons, nous nous amusons comme il nous plaît. Tout le monde en est là, n’est-ce pas ?… Vois, ton père ne se gêne guère. Il aime l’argent et il en prend où il en trouve. Il a raison, ça me met à l’aise… D’abord, je ne signerai rien, et puis tu reviendras tous les soirs. J’avais peur que tu ne veuilles plus, tu sais, pour ce que je t’ai dit… Mais puisque ça ne te fait rien… D’ailleurs, je lui fermerai ma porte, tu comprends, maintenant.

Elle se leva, elle alluma la veilleuse. Maxime hésitait, désespéré. Il voyait la sottise qu’il avait commise, il se reprochait durement d’avoir trop causé. Comment annoncer son mariage maintenant ! C’était sa faute, la rupture était faite, il n’avait pas besoin de remonter dans cette chambre, ni surtout d’aller prouver à la jeune femme que son mari la dupait. Et il ne savait plus à quel sentiment il venait d’obéir, ce qui redoublait sa colère contre lui-même. Mais, s’il eut la pensée un instant, d’être brutal une seconde fois, de s’en aller, la vue de Renée qui laissait tomber ses pantoufles, lui donna une lâcheté invincible. Il eut peur. Il resta.

Le lendemain, quand Saccard vint chez sa femme pour lui faire signer l’acte de cession, elle lui répondit