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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/298

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LES ROUGON-MACQUART

porte. Il n’épargna rien à Renée, ni l’argent que son mari lui avait prêté à usure, ni celui qu’il comptait lui voler, à l’aide d’histoires ridicules, bonnes à endormir les enfants. La jeune femme l’écoutait, très pâle, les lèvres serrées. Debout devant la cheminée, elle baissait un peu la tête, elle regardait le feu. Sa toilette de nuit, cette chemise que Maxime avait fait chauffer, s’écartait, laissait voir des blancheurs immobiles de statue.

— Je te dis tout cela, conclut le jeune homme, pour que tu n’aies pas l’air d’une sotte… Mais tu aurais tort d’en vouloir à mon père. Il n’est pas méchant. Il a ses défauts comme tout le monde… À demain, n’est-ce pas ?

Il s’avançait toujours vers la porte. Renée l’arrêta d’un geste brusque.

— Reste ! cria-t-elle impérieusement.

Et le prenant, l’attirant à elle, l’asseyant presque sur ses genoux, devant le feu, elle le baisa sur les lèvres, en disant :

— Ah ! bien, ce serait trop bête de nous gêner, maintenant… Tu ne sais donc pas que, depuis hier, depuis que tu as voulu rompre, je n’ai plus la tête à moi. Je suis comme une imbécile. Ce soir, au bal, j’avais un brouillard devant les yeux. C’est qu’à présent, j’ai besoin de toi pour vivre. Quand tu t’en iras, je serai vidée… Ne ris pas, je te dis ce que je sens.

Elle le regardait avec une tendresse infinie, comme si elle ne l’eût pas vu depuis longtemps.

— Tu as trouvé le mot, j’étais godiche, ton père m’aurait fait voir aujourd’hui des étoiles en plein midi. Est-ce que je savais ! Pendant qu’il me contait son his-