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LES ROUGON-MACQUART

enflammées du globe, à ce tas d’or sur lequel se vautrait la richesse d’un monde.

Ce second tableau eut encore plus de succès que le premier. L’idée en parut particulièrement ingénieuse. La hardiesse des pièces de vingt francs, ce ruissellement de coffre-fort moderne tombé dans un coin de la mythologie grecque, enchanta l’imagination des dames et des financiers qui étaient là. Les mots : « Que de pièces ! que d’argent ! » couraient, avec des sourires, de longs frémissements d’aise ; et sûrement chacune de ces dames, chacun de ces messieurs faisait le rêve d’avoir tout ça à lui, dans une cave.

— L’Angleterre a payé, ce sont vos milliards, murmura malicieusement Louise à l’oreille de Mme Sidonie.

Et Mme Michelin, la bouche un peu ouverte par un désir ravi, écartait son voile d’almée, caressait l’or d’un regard luisant, tandis que le groupe des hommes graves se pâmait. M. Toutin-Laroche, tout épanoui, murmura quelques mots à l’oreille du baron, dont la face se marbrait de taches jaunes. Mais les Mignon et Charrier, moins discrets, dirent avec une naïveté brutale :

— Sacrebleu ! il y aurait là de quoi démolir Paris et le rebâtir.

Le mot parut profond à Saccard, qui commençait à croire que les Mignon et Charrier se moquaient du monde en faisant les imbéciles. Quand les rideaux se refermèrent, et que le piano termina la marche triomphale par un grand bruit de notes jetées les unes sur les autres, comme de dernières pelletées d’écus, les applaudissements éclatèrent, plus vifs, plus prolongés.

Cependant, au milieu du tableau, le ministre, accompagné de son secrétaire, M. de Saffré, avait paru à la