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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/36

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LES ROUGON-MACQUART

plus clairs : on entendait la voix aigrelette de Louise dire : « Je vous assure que Sylvia avait une robe de satin bleu dans son rôle de Dindonnette ; » et une autre voix d’enfant ajoutait : « Oui, mais la robe était garnie de dentelles blanches. » Un air chaud montait. Les visages, plus roses, étaient comme amollis par une béatitude intérieure. Deux laquais firent le tour de la table, versant de l’alicante et du tokai.

Depuis le commencement du dîner, Renée semblait distraite. Elle remplissait ses devoirs de maîtresse de maison avec un sourire machinal. À chaque éclat de gaieté qui venait du bout de la table, où Maxime et Louise, côte à côte, plaisantaient comme de bons camarades, elle jetait de ce côté un regard luisant. Elle s’ennuyait. Les hommes graves l’assommaient. Mme d’Espanet et Mme Haffner lui lançaient des regards désespérés.

— Et les prochaines élections, comment s’annoncent-elles ? demanda brusquement Saccard à M. Hupel de la Noue.

— Mais très bien, répondit celui-ci en souriant ; seulement je n’ai pas encore de candidats désignés pour mon département. Le ministère hésite, paraît-il.

M. de Mareuil, qui, d’un coup d’œil, avait remercié Saccard d’avoir entamé ce sujet, semblait être sur des charbons ardents. Il rougit légèrement, il fit des saluts embarrassés, lorsque le préfet, s’adressant à lui, continua :

— On m’a beaucoup parlé de vous dans le pays, monsieur. Vos grandes propriétés vous y font de nombreux amis, et l’on sait combien vous êtes dévoué à l’empereur. Vous avez toutes les chances.

— Papa, n’est-ce pas que la petite Sylvia vendait des