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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/365

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LA CURÉE

bas ; si leur pioche avait porté à faux, le seul élan de leurs bras les aurait précipités.

— Bah ! c’est l’habitude, dit le médecin en reportant son cigare à ses lèvres. Ce sont des brutes.

Cependant, ils étaient arrivés à un des immeubles qu’ils devaient voir. Ils bâclèrent leur travail en un quart d’heure, et reprirent leur promenade. Peu à peu, ils n’avaient plus tant d’horreur pour la boue ; ils marchaient au milieu des mares, abandonnant l’espoir de préserver leurs bottes. Comme ils avaient dépassé la rue Ménilmontant, l’un des industriels, l’ancien rémouleur, devint inquiet. Il examinait les ruines autour de lui, ne reconnaissait plus le quartier. Il disait qu’il avait demeuré par là, il y avait plus de trente ans, à son arrivée à Paris, et que ça lui ferait bien plaisir de retrouver l’endroit. Il furetait toujours du regard, lorsque la vue d’une maison que la pioche des démolisseurs avait déjà coupée en deux, l’arrêta net au milieu du chemin. Il en étudia la porte, les fenêtres. Puis, montrant du doigt un coin de la démolition, tout en haut :

— La voilà, s’écria-t-il, je la reconnais !

— Quoi donc ? demanda le médecin.

— Ma chambre, parbleu ! C’est elle !

C’était au cinquième, une petite chambre qui devait anciennement donner sur une cour. Une muraille ouverte la montrait toute nue, déjà entamée d’un côté, avec son papier à grands ramages jaunes, dont une large déchirure tremblait au vent. On voyait encore le creux d’une armoire, à gauche, tapissé de papier bleu. Et il y avait, à côté, le trou d’un poêle, où se trouvait un bout de tuyau.

L’émotion prenait l’ancien ouvrier.