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LES ROUGON-MACQUART

Céleste ne répondait pas, avait un singulier sourire. Un matin, elle lui apprit tranquillement qu’elle s’en allait, qu’elle retournait au pays. Renée en resta toute tremblante, comme si quelque grand malheur lui arrivait. Elle se récria, la pressa de questions. Pourquoi l’abandonnait-elle, lorsqu’elles s’entendaient si bien ensemble ? Et elle lui offrit de doubler ses gages.

Mais la femme de chambre, à toutes ses bonnes paroles, disait non du geste, d’une façon paisible et têtue.

— Voyez-vous, madame, finit-elle par répondre, vous m’offririez tout l’or du Pérou, que je ne resterais pas une semaine de plus. Vous ne me connaissez pas, allez !… Il y a huit ans que je suis avec vous, n’est-ce pas ? Eh bien, dès le premier jour, je me suis dit : « Dès que j’aurai amassé cinq mille francs, je m’en retournerai là-bas ; j’achèterai la maison à Lagache, et je vivrai bien heureuse… » C’est une promesse que je me suis faite, vous comprenez. Et j’ai les cinq mille francs d’hier, quand vous m’avez payé mes gages.

Renée eut froid au cœur. Elle voyait Céleste passer derrière elle et Maxime, pendant qu’ils s’embrassaient, et elle la voyait, avec son indifférence, son parfait détachement, songeant à ses cinq mille francs. Elle essaya pourtant encore de la retenir, épouvantée du vide où elle allait vivre, rêvant malgré tout de garder auprès d’elle cette bête entêtée qu’elle avait crue dévouée, et qui n’était qu’égoïste. L’autre souriait, branlait toujours la tête, en murmurant :

— Non, non, ce n’est pas possible. Ce serait ma mère, que je refuserais… J’achèterai deux vaches. Je monterai peut-être un petit commerce de mercerie… C’est très gentil chez nous. Ah ! pour ça, je veux bien que vous