Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Curée.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
375
LA CURÉE

veniez me voir. C’est près de Caen. Je vous laisserai l’adresse.

Alors Renée n’insista plus. Elle pleura à chaudes larmes, quand elle fut seule. Le lendemain, par un caprice de malade, elle voulut accompagner Céleste à la gare de l’Ouest, dans son propre coupé. Elle lui donna une de ses couvertures de voyage, lui fit un cadeau d’argent, s’empressa autour d’elle comme une mère dont la fille entreprend quelque pénible et long voyage. Dans le coupé, elle la regardait avec des yeux humides. Céleste causait, disait combien elle était contente de s’en aller. Puis, enhardie, elle s’épancha, elle donna des conseils à sa maîtresse.

— Moi, madame, je n’aurais pas compris la vie comme vous. Je me le suis dit bien souvent, quand je vous trouvais avec M. Maxime : « Est-il possible qu’on soit si bête pour les hommes ! » Ça finit toujours mal… Ah bien, c’est moi qui me suis toujours méfiée !

Elle riait, elle se renversait dans le coin du coupé.

— C’est mes écus qui auraient dansé ! continua-t-elle, et aujourd’hui, je m’abîmerais les yeux à pleurer. Aussi, dès que je voyais un homme, je prenais un manche à balai… Je n’ai jamais osé vous dire tout ça.

D’ailleurs, ça ne me regardait pas. Vous étiez bien libre, et moi je n’avais qu’à gagner honnêtement mon argent.

À la gare, Renée voulut payer pour elle et lui prit une place de première. Comme elles étaient arrivées en avance, elle la retint, lui serrant les mains, lui répétant :

— Et prenez bien garde à vous, soignez-vous bien, ma bonne Céleste.