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LES ROUGON-MACQUART

cassé d’une pendule qui se détraque. Mme Sidonie avait abandonné les potions, laissant le mal faire son œuvre. Elle s’était assise devant la cheminée, auprès de son frère, qui tisonnait d’une main fiévreuse, en jetant sur le lit des coups d’œil involontaires. Puis, comme énervé par cet air lourd, par ce spectacle lamentable, il se retira dans la pièce voisine. On y avait enfermé la petite Clotilde, qui jouait à la poupée, très sagement, sur un bout de tapis. Sa fille lui souriait, lorsque Mme Sidonie, se glissant derrière lui, l’attira dans un coin, parlant à voix basse. La porte était restée ouverte. On entendait le râle léger d’Angèle.

— Ta pauvre femme…, sanglota la courtière, je crois que tout est bien fini. Tu as entendu le médecin ?

Saccard se contenta de baisser lugubrement la tête.

— C’était une bonne personne, continua l’autre, parlant comme si Angèle fût déjà morte. Tu pourras trouver des femmes plus riches, plus habituées au monde ; mais tu ne trouveras jamais un pareil cœur.

Et comme elle s’arrêtait, s’essuyant les yeux, semblant chercher une transition :

— Tu as quelque chose à me dire ? demanda nettement Saccard.

— Oui, je me suis occupée de toi, pour la chose que tu sais, et je crois avoir découvert… Mais dans un pareil moment… Vois-tu, j’ai le cœur brisé.

Elle s’essuya encore les yeux. Saccard la laissa faire tranquillement, sans dire un mot. Alors elle se décida.

— C’est une jeune fille qu’on voudrait marier tout de suite, dit-elle. La chère enfant a eu un malheur. Il y a une tante qui ferait un sacrifice…

Elle s’interrompait, elle geignait toujours, pleurant