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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/90

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LES ROUGON-MACQUART

lorsque j’aurai séché les larmes de chacun et enrichi jusqu’à mes arrière-neveux. Le succès est une flamme dorée qui purifie tout. Je veux que M. Béraud lui-même me tende la main et me remercie…

Il s’oubliait. Il parla longtemps ainsi avec un cynisme railleur qui perçait par instants sous son air bonhomme. Il mit en avant son frère le député, son père le receveur particulier de Plassans. Il finit par faire la conquête de la tante Élisabeth, qui voyait avec une joie involontaire, sous les doigts de cet habile homme, le drame dont elle souffrait depuis un mois, se terminer en une comédie presque gaie. Il fut convenu qu’on irait chez le notaire le lendemain.

Dès que Mme Aubertot se fut retirée, il se rendit à l’Hôtel de Ville, y passa la journée à fouiller certains documents connus de lui. Chez le notaire, il éleva une difficulté, il dit que la dot de Renée ne se composant que de biens-fonds, il craignait pour elle beaucoup de tracas, et qu’il croyait sage de vendre au moins l’immeuble de la rue de la Pépinière pour lui constituer une rente sur le grand-Livre. Mme Aubertot voulut en référer à M. Béraud Du Châtel, toujours cloîtré dans son appartement. Saccard se remit en course jusqu’au soir. Il alla rue de la Pépinière, il courut Paris de l’air songeur d’un général à la veille d’une bataille décisive. Le lendemain, Mme Aubertot dit que M. Béraud Du Châtel s’en remettait complètement à elle. Le contrat fut rédigé sur les bases déjà débattues. Saccard apportait deux cent mille francs, Renée avait en dot la propriété de la Sologne et l’immeuble de la rue de la Pépinière, qu’elle s’engageait à vendre ; en outre, en cas de mort de son premier enfant, elle restait seule propriétaire des terrains de Charonne