Page:Emile Zola - La Curée.djvu/91

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que lui donnait sa tante. Le contrat fut établi sur le régime de la séparation des biens qui conserve aux époux l’entière administration de leur fortune. La tante Élisabeth qui écoutait attentivement le notaire, parut satisfaite de ce régime dont les dispositions semblaient assurer l’indépendance de sa nièce, en mettant sa fortune à l’abri de toute tentative. Saccard avait un vague sourire, en voyant la bonne dame approuver chaque clause d’un signe de tête. Le mariage fut fixé au terme le plus court.

Quand tout fut réglé, Saccard alla cérémonieusement annoncer à son frère Eugène son union avec Mlle Renée Béraud Du Châtel. Ce coup de maître étonna le député. Comme il laissait voir sa surprise :

— Tu m’as dit de chercher, dit l’employé, j’ai cherché et j’ai trouvé.

Eugène, dérouté d’abord, entrevit alors la vérité. Et d’une voix charmante :

— Allons, tu es un homme habile… Tu viens me demander pour témoin, n’est-ce pas ? Compte sur moi… S’il le faut, je mènerai à ta noce tout le côté droit du Corps législatif ; ça te poserait joliment…

Puis, comme il avait ouvert la porte, d’un ton plus bas :

— Dis ?… Je ne veux pas trop me compromettre en ce moment, nous avons une loi fort dure à faire voter… La grossesse, au moins, n’est pas trop avancée ?

Saccard lui jeta un regard si aigu qu’Eugène se dit en refermant la porte : « Voilà une plaisanterie qui me coûterait cher si je n’étais pas un Rougon. »

Le mariage eut lieu dans l’église Saint-Louis-en-l’Île. Saccard et Renée ne se virent que la veille de ce grand