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Page:Emile Zola - La Fortune des Rougon.djvu/127

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LA FORTUNE DES ROUGON.

— Mon mari vient de se blesser cruellement, dit-elle. Il s’est pris en rentrant les quatre doigts dans une porte. Il m’a, au milieu des plus vives souffrances, dicté cette petite note qu’il vous prie de publier demain.

Le lendemain, l’Indépendant, presque entièrement composé de faits divers, parut avec ces quelques lignes en tête de la première colonne :

« Un regrettable accident survenu à notre éminent collaborateur, M. Aristide Rougon, va nous priver de ses articles pendant quelque temps. Le silence lui sera cruel dans les graves circonstances présentes. Mais aucun de nos lecteurs ne doutera des vœux que ses sentiments patriotiques font pour le bonheur de la France. »

Cette note amphigourique avait été mûrement étudiée. La dernière phrase pouvait s’expliquer en faveur de tous les partis. De cette façon, après la victoire, Aristide se ménageait une superbe rentrée par un panégyrique des vainqueurs. Le lendemain, il se montra dans toute la ville, le bras en écharpe. Sa mère étant accourue, très-effrayée par la note du journal, il refusa de lui montrer sa main et lui parla avec une amertume qui éclaira la vieille femme.

— Ce ne sera rien, lui dit-elle en le quittant, rassurée et légèrement railleuse. Tu n’as besoin que de repos.

Ce fut sans doute grâce à ce prétendu accident et au départ du sous-préfet, que l’Indépendant dut de n’être pas inquiété, comme le furent la plupart des journaux démocratiques des départements.

La journée du 4 se passa à Plassans dans un calme relatif. Il y eut, le soir, une manifestation populaire que la vue des gendarmes suffit à disperser. Un groupe d’ouvriers vint demander la communication des dépêches de Paris à M. Garçonnet, qui refusa avec hauteur ; en se retirant, le groupe poussa les cris de : Vive la République ! Vive la Constitution ! Puis, tout rentra dans l’ordre. Le salon jaune, après