avoir commenté longuement cette innocente promenade, déclara que les choses allaient pour le mieux.
Mais les journées du 5 et du 6 furent plus inquiétantes. On apprit successivement l’insurrection des petites villes voisines ; tout le sud du département prenait les armes ; la Palud et Saint-Martin-de-Vaulx s’étaient soulevés les premiers, entraînant à leur suite les villages, Chavanoz, Nazères, Poujols, Valqueyras, Vernoux. Alors le salon jaune commença à être sérieusement pris de panique. Ce qui l’inquiétait surtout, c’était de sentir Plassans isolé au sein même de la révolte. Des bandes d’insurgés devaient battre les campagnes et interrompre toute communication. Granoux répétait d’un air effaré que M. le maire était sans nouvelles. Et des gens commençaient à dire que le sang coulait à Marseille et qu’une formidable révolution avait éclaté à Paris. Le commandant Sicardot, furieux de la poltronnerie des bourgeois, parlait de mourir à la tête de ses hommes.
Le 7, un dimanche, la terreur fut à son comble. Dès six heures, le salon jaune, où une sorte de comité réactionnaire se tenait en permanence, fut encombré par une foule de bonshommes pâles et frissonnants, qui causaient entre eux à voix basse, comme dans la chambre d’un mort. On avait su, dans la journée, qu’une colonne d’insurgés, forte environ de trois mille hommes, se trouvait réunie à Alboise, un bourg éloigné au plus de trois lieues. On prétendait, à la vérité, que cette colonne devait se diriger sur le chef-lieu, en laissant Plassans à sa gauche ; mais le plan de campagne pouvait être changé, et il suffisait, d’ailleurs, aux rentiers poltrons de sentir les insurgés à quelques kilomètres, pour s’imaginer que des mains rudes d’ouvriers les serraient déjà à la gorge. Ils avaient eu, le matin, un avant-goût de la révolte : les quelques républicains de Plassans, voyant qu’ils ne sauraient rien tenter de sérieux dans la ville, avaient ré-