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LA FORTUNE DES ROUGON.

les rideaux et sous les meubles. Les quatre grands gaillards l’aidaient. Pendant un quart d’heure, ils fouillèrent l’appartement. Félicité s’était paisiblement assise sur le canapé du salon et s’occupait à renouer les cordons de ses jupes, comme une personne qui vient d’être surprise dans son sommeil, et qui n’a pas eu le temps de se vêtir convenablement.

— C’est pourtant vrai, il s’est sauvé, le lâche ! bégaya Macquart en revenant dans le salon.

Il continua pourtant de regarder autour de lui d’un air soupçonneux. Il avait le pressentiment que Pierre ne pouvait avoir abandonné la partie au moment décisif. Il s’approcha de Félicité qui bâillait.

— Indique-nous l’endroit où ton mari est caché, lui dit-il, et je te promets qu’il ne lui sera fait aucun mal.

— Je vous ai dit la vérité, répondit-elle avec impatience. Je ne puis pourtant pas vous livrer mon mari, puisqu’il n’est pas ici. Vous avez regardé partout, n’est-ce pas ? Laissez-moi tranquille maintenant.

Macquart, exaspéré par son sang-froid, allait certainement la battre, lorsqu’un bruit sourd monta de la rue. C’était la colonne des insurgés qui s’engageait dans la rue de la Banne.

Il dut quitter le salon jaune, après avoir montré le poing à sa belle-sœur, en la traitant de vieille gueuse et en la menaçant de revenir bientôt. Au bas de l’escalier, il prit à part un des hommes qui l’avait accompagné, un terrassier nommé Cassoute, le plus épais des quatre, et lui ordonna de s’asseoir sur la première marche et de n’en pas bouger jusqu’à nouvel ordre.

— Tu viendrais m’avertir, lui dit-il, si tu voyais rentrer la canaille d’en haut.

L’homme s’assit pesamment. Quand il fut sur le trottoir, Macquart, levant les yeux, aperçut Félicité accoudée à une