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LES ROUGON-MACQUART.

bien ce que je veux dire, n’est-ce pas ?… Je vais chercher moi-même.

Elle fit mine de mettre la main dans les divers paquets qui encombraient le bureau. Alors il s’empressa, il dit qu’il allait voir. Le service était forcément si mal fait ! Peut-être bien qu’il y avait une lettre, en effet. Dans ce cas, on la retrouverait. Mais, quant à lui, il jurait qu’il ne l’avait pas vue. En parlant, il tournait dans le cabinet, il bouleversait tous les papiers. Puis, il ouvrit les tiroirs, les cartons. Félicité attendait impassible.

— Ma foi, vous avez raison, voici une lettre pour vous, s’écria-t-il enfin, en tirant quelques papiers d’un carton. Ah ! ces diables d’employés, ils profitent de la situation pour ne rien faire comme il faut !

Félicité prit la lettre et en examina le cachet attentivement, sans paraître s’inquiéter le moins du monde de ce qu’un pareil examen pouvait avoir de blessant pour Vuillet. Elle vit clairement qu’on avait dû ouvrir l’enveloppe ; le libraire, maladroit encore, s’était servi d’une cire plus foncée pour recoller le cachet. Elle eut soin de fendre l’enveloppe en gardant intact le cachet, qui devait être, à l’occasion, une preuve. Eugène annonçait, en quelques mots, le succès complet du coup d’État ; il chantait victoire, Paris était dompté, la province ne bougeait pas, et il conseillait à ses parents une attitude très-ferme en face de l’insurrection partielle qui soulevait le Midi. Il leur disait, en terminant, que leur fortune était fondée, s’ils ne faiblissaient pas.

Madame Rougon mit la lettre dans sa poche, et, lentement, elle s’assit, en regardant Vuillet en face. Celui-ci, comme très-occupé, avait fiévreusement repris son triage.

— Écoutez-moi, monsieur Vuillet, lui dit-elle.

Et, quand il eut relevé la tête :

— Jouons cartes sur table, n’est-ce pas ? Vous avez tort de