y avait des trous dans les aubépines. Silvère et Miette sautèrent sur la route par un de ces trous.
Malgré le détour qu’ils venaient de faire, ils arrivèrent en même temps que les gens de Plassans. Silvère échangea quelques poignées de main ; on dut penser qu’il avait appris la marche nouvelle des insurgés et qu’il était venu à leur rencontre. Miette, dont le visage était caché à demi par le capuchon de la pelisse, fut regardée curieusement.
— Eh ! c’est la Chantegreil, dit un homme du faubourg, la nièce de Rébufat, le méger du Jas-Meiffren.
— D’où sors-tu donc, coureuse ? cria une autre voix.
Silvère, gris d’enthousiasme, n’avait pas songé à la singulière figure que ferait son amoureuse devant les plaisanteries certaines des ouvriers. Miette, confuse, le regardait comme pour implorer aide et secours. Mais, avant même qu’il eût pu ouvrir les lèvres, une nouvelle voix s’éleva du groupe, disant avec brutalité :
— Son père est au bagne, nous ne voulons pas avec nous la fille d’un voleur et d’un assassin.
Miette pâlit affreusement.
— Vous mentez, murmura-t-elle ; si mon père a tué, il n’a pas volé.
Et comme Silvère serrait les poings, plus pâle et plus frémissant qu’elle :
— Laisse, reprit-elle, ceci me regarde…
Puis se retournant vers le groupe, elle répéta avec éclat :
— Vous mentez, vous mentez ! il n’a jamais pris un sou à personne. Vous le savez bien. Pourquoi l’insultez-vous, quand il ne peut être là ?
Elle s’était redressée, superbe de colère. Sa nature ardente, à demi sauvage, paraissait accepter avec assez de calme l’accusation de meurtre ; mais l’accusation de vol l’exaspérait. On le savait, et c’est pourquoi la foule lui jetait souvent cette accusation à la face, par méchanceté bête.