Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/112

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penhauer apprenait notre mariage dans l’autre monde et qu’il revenait la nuit nous tirer par les pieds.

Lazare riait d’un rire contraint. Il entendait bien qu’elle se moquait de ses perpétuelles contradictions ; mais une tendresse infinie le pénétrait, emportait sa haine du vouloir-vivre.

— Sois gentille, murmurait-il, tu sais que je t’aime.

Elle prenait une mine sévère.

— Méfie-toi ! tu vas ajourner la délivrance… Te voilà retombé dans l’égoïsme et l’illusion.

— Veux-tu te taire, mauvaise gale !

Et il la poursuivait autour de la chambre, tandis qu’elle continuait à débiter des lambeaux de philosophie pessimiste, d’une voix chargée de docteur en Sorbonne. Puis, quand il la tenait, il n’osait la garder comme jadis dans ses bras, et la pincer pour la punir.

Un jour, cependant, la poursuite fut si chaude, qu’il la saisit violemment par les reins. Elle était toute sonore de rires. Lui, la renversait contre l’armoire, éperdu de la sentir se débattre.

— Ah ! je te tiens, cette fois… Dis ? qu’est-ce que je vais te faire ?

Leurs visages se touchaient, elle riait toujours, mais d’un rire mourant.

— Non, non, lâche-moi, je ne recommencerai plus.

Il lui planta un rude baiser sur la bouche. La chambre tournait, il leur sembla qu’un vent de flamme les emportait dans le vide. Elle tombait à la renverse lorsque d’un effort, elle se dégagea. Ils restèrent oppressés, un instant, très rouges,