Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/116

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l’émancipation, car jamais Lazare ne consentirait à épouser sa cousine, tant qu’on pourrait l’accuser de vouloir escamoter la reddition des comptes. Puis, elle se retira, en affectant de ne pas chercher à peser sur les idées de celle qu’elle appelait déjà sa fille adorée. Tout de suite, Pauline, très émue, supplia le docteur de leur rendre le service délicat dont on venait, devant elle, d’expliquer la nécessité. Vainement, il essaya de l’éclairer sur sa situation : elle se dépouillait, elle renonçait à tout recours, même il laissa voir sa peur de l’avenir, la ruine complète, l’ingratitude, beaucoup de souffrances. À chaque trait plus noir ajouté au tableau, elle se récriait, refusait d’entendre, montrait une hâte fébrile du sacrifice.

— Non, ne me donnez pas de regret. Je suis une avare sans que ça paraisse, j’ai déjà assez de mal pour me vaincre… Qu’ils prennent tout. Je leur laisse le reste, s’ils veulent m’aimer davantage.

— Enfin, demanda le docteur, c’est par amitié pour votre cousin que vous vous dépouillez ?

Elle rougit sans répondre.

— Et si, plus tard, votre cousin ne vous aimait plus ?

Effarée, elle le regarda. Ses yeux s’emplirent de grosses larmes, et son cœur éclata dans ce cri d’amour révolté :

— Oh ! non, oh ! non… Pourquoi me faites-vous tant de peine ?

Alors, le docteur Cazenove consentit. Il ne se sentait pas le courage d’opérer ce grand cœur de l’illusion de ses tendresses. Assez vite l’existence serait dure.

Madame Chanteau mena la campagne avec une