Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/121

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Le chien crut à une claque sur le ventre, ce qu’il adorait, et grogna plus fort. Heureusement, il ne restait qu’à donner les signatures. Pauline, d’un trait de plume, se hâta de tout approuver. Puis, le docteur, comme à regret, balafra le papier timbré d’un parafe immense. Un silence pénible s’était fait.

— L’actif, reprit madame Chanteau, est donc de soixante-quinze mille deux cent dix francs trente centimes… Je vais remettre cet argent à Pauline.

Elle s’était dirigée vers le secrétaire, dont le tablier jeta le cri sourd, qui l’avait si souvent émotionnée. Mais, en ce moment, elle était solennelle, elle ouvrit le tiroir, où l’on aperçut la vieille couverture de registre ; c’était la même, marbrée de vert, piquetée de taches de graisse ; seulement, elle avait maigri, les titres diminués n’en crevaient plus le dos de basane.

— Non, non ! s’écria Pauline, garde ça, ma tante.

Madame Chanteau se formalisa.

— Nous rendons nos comptes, nous devons rendre l’argent… C’est ton bien. Tu te rappelles ce que je t’ai dit, il y a huit ans, en le mettant là ? Nous ne voulons pas garder un sou.

Elle sortit les titres, elle força la jeune fille à les compter. Il y en avait pour soixante-quinze mille francs, un petit paquet d’or, plié dans un morceau de journal, faisait l’appoint.

— Mais où vais-je mettre ça ? demandait Pauline, dont le maniement de cette grosse somme colorait les joues.

— Enferme-le dans ta commode, répondit la tante. Tu es assez grande fille pour veiller sur ton argent. Moi, je ne veux plus même le voir… Tiens ! s’il t’embarrasse, donne-le à la Minouche qui te regarde.

Les Chanteau avaient payé, leur gaieté revenait.