Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/131

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répéta, comme si le curé n’avait pas conté leur histoire :

— La jambe cassée… Donnez-moi quelque chose, ma bonne demoiselle…

Cette fois, Louise s’était mise à rire, tellement cet avorton de cinq ans, déjà canaille comme père et mère, lui semblait drôle. Pauline, restée grave, sortit son porte-monnaie, en tira une nouvelle pièce de cinq francs.

— Écoute, dit-elle, je t’en donnerai autant tous les samedis, si je sais que tu n’as pas couru les chemins pendant la semaine.

— Cachez les couverts ! cria encore l’abbé Horteur. Elle vous volera.

Mais Pauline, sans répondre, congédiait les enfants, qui s’en allaient en traînant leurs savates, avec des « merci bien ! » et des « Dieu vous le rende ! » Pendant ce temps, madame Chanteau, qui revenait de donner son coup d’œil à la chambre de Louise, se fâchait tout bas contre Véronique. C’était insupportable, la bonne elle aussi introduisait à présent des mendiantes ! Comme si Mademoiselle n’en amenait pas assez dans la maison ! Un tas de vermines qui la dévoraient et se moquaient d’elle ! Certes, son argent lui appartenait, elle pouvait bien le gaspiller à sa guise : mais, en vérité, cela devenait immoral, d’encourager ainsi le vice. Madame Chanteau avait entendu la jeune fille promettre cent sous chaque samedi à la petite Tourmal. Encore vingt francs par mois ! la fortune d’un satrape n’y suffirait point.

— Tu sais que je ne veux pas revoir ici cette voleuse, dit-elle à Pauline. Si tu es maintenant maîtresse de ta fortune, je ne puis pourtant pas te laisser ruiner si bêtement. J’ai une responsabilité