Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/132

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morale… Oui, ruiner, ma chère, et plus vite que tu ne crois !

Véronique, qui était retournée dans sa cuisine, furieuse de la réprimande de Madame, reparut en criant brutalement :

— Voilà le boucher… Il veut sa note, quarante-six francs dix centimes.

Un grand trouble coupa la parole à madame Chanteau. Elle se fouilla, eut un geste de surprise. Puis, à voix basse :

— Dis donc, Pauline, as-tu assez sur toi ?… Je n’ai pas de monnaie, il me faudrait remonter. Nous compterons.

Pauline suivit la bonne, pour payer le boucher. Depuis qu’elle avait son argent dans sa commode, la même comédie recommençait, chaque fois qu’on présentait une facture. C’était une exploitation réglée, par continuelles petites sommes, et qui semblait toute naturelle. La tante n’avait même plus la peine de prendre au tas, elle demandait, elle laissait la jeune fille se dépouiller de ses mains. D’abord, on avait compté, on lui rendait des dix francs et des quinze francs ; puis, les comptes s’étaient embrouillés si fort, qu’on parlait de régler plus tard, lors du mariage ; ce qui ne l’empêchait point, le premier de chaque mois, de payer avec exactitude sa pension, qu’ils avaient portée à quatre-vingt-dix francs.

— Encore votre argent qui la danse ! grogna Véronique dans le corridor. C’est moi qui l’aurais envoyée chercher sa monnaie !… Il n’est pas Dieu permis qu’on vous mange ainsi la laine sur le dos !

Quand Pauline revint avec la facture acquittée, qu’elle remit à sa tante, le curé triomphait bruyam-