Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vraiment, elle devient insupportable avec son mauvais caractère, avait murmuré derrière elle madame Chanteau. C’est à ne plus lui adresser la parole.

Cette nuit-là, vers une heure, Lazare fut réveillé par une toux gutturale, d’une sécheresse si douloureuse, qu’il se mit sur son séant, pour écouter. Il pensa d’abord à sa mère ; puis, comme il tendait toujours l’oreille, la chute brusque d’un corps dont le plancher tremblait, le fit sauter du lit et se vêtir à la hâte. Ce ne pouvait être que Pauline, le corps semblait être tombé derrière la cloison. De ses doigts égarés, il cassait les allumettes. Enfin, il put sortir avec son bougeoir, et il eut la surprise de trouver la porte d’en face ouverte. Barrant le seuil, étendue sur le flanc, la jeune fille était là, en chemise, les jambes et les bras nus.

— Qu’est-ce donc ? s’écria-t-il, tu as glissé ?

La pensée qu’elle rôdait pour l’épier encore venait de lui traverser l’esprit. Mais elle ne répondait pas, elle ne bougeait pas, et il la vit comme assommée, les yeux clos. Sans doute, au moment où elle allait chercher du secours, un étourdissement l’avait jetée sur le carreau.

— Pauline, réponds-moi, je t’en supplie… Où souffres-tu ?

Il s’était baissé, il lui éclairait la face. Très rouge, elle semblait brûler d’une fièvre intense. Le sentiment instinctif de gêne qui le tenait hésitant devant cette nudité de vierge, n’osant la prendre à bras le corps pour la porter sur le lit, céda tout de suite à son inquiétude fraternelle. Il ne la voyait plus ainsi dénudée, il la saisit aux reins et aux cuisses, sans avoir seulement conscience de cette peau de femme