Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur sa poitrine d’homme. Et, quand il l’eut recouchée, il la questionna encore, avant même de songer à rabattre les couvertures.

— Mon Dieu ! parle-moi… Tu t’es blessée peut-être ?

La secousse venait de lui faire ouvrir les yeux. Mais elle ne parlait toujours pas, elle le regardait fixement ; et, comme il la pressait davantage, elle porta enfin la main à son cou.

— C’est à la gorge que tu souffres ?

Alors, d’une voix changée, difficile et sifflante, elle dit très bas :

— Ne me force pas à parler, je t’en prie… Ça me fait trop de mal.

Et elle fut aussitôt prise d’un accès de toux, cette toux gutturale qu’il avait entendue de sa chambre. Son visage bleuit, la douleur devint telle, que ses yeux s’emplirent de grosses larmes. Elle portait les deux mains à sa pauvre tête ébranlée, où battaient les marteaux d’une céphalalgie affreuse.

— C’est aujourd’hui que tu as empoigné ça, bégayait-il éperdu. Aussi était-ce raisonnable, malade déjà comme tu l’étais !

Mais il s’arrêta, en rencontrant de nouveau ses regards suppliants. D’une main tâtonnante, elle cherchait les couvertures. Il la recouvrit jusqu’au menton.

— Veux-tu ouvrir la bouche, pour que je regarde ?

Elle put à peine desserrer les mâchoires. Il avançait la flamme de la bougie, il vit avec difficulté l’arrière-gorge, luisante, sèche, d’un rouge vif. C’était évidemment une angine. Seulement, cette fièvre terrible, ce mal de tête effroyable, l’épouvantaient sur la nature de cette angine. La face de la malade ex-