Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/149

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ardente de cette petite main le bouleversa, il voulut lui donner du courage.

— Ce n’est rien, ma chérie. J’attends Cazenove… Surtout ne te fais pas peur.

Elle resta les yeux clos, et elle murmura péniblement :

— Oh ! je n’ai pas peur… Ça te dérange, c’est ce qui me fait de la peine.

Puis, à voix plus basse encore, d’une légèreté de souffle :

— Hein ? tu me pardonnes… J’ai été vilaine, aujourd’hui.

Il s’était penché, pour la baiser au front, comme sa femme. Et il s’écarta, car les larmes l’étouffaient. L’idée lui venait de préparer au moins une potion calmante, en attendant le médecin. La petite pharmacie de la jeune fille était là, dans un étroit placard. Seulement, il craignait de se tromper, il l’interrogea sur les flacons, finit par verser quelques gouttes de morphine dans un verre d’eau sucrée. Lorsqu’elle en avalait une cuillerée, la douleur était si vive, qu’il hésitait chaque fois à lui en donner une autre. Ce fut tout, il se sentait impuissant à essayer davantage. Son attente devenait horrible. Quand il ne pouvait plus la voir souffrir, les jambes cassées d’être debout devant le lit, il rouvrait ses livres, croyant qu’il allait enfin trouver le cas et le remède. Était-ce donc une angine couenneuse ? pourtant, il n’avait pas remarqué de fausses membranes sur les piliers du voile du palais ; et il s’entêtait dans la lecture de la description et du traitement de l’angine couenneuse, perdu au fil de longues phrases dont le sens lui échappait, appliqué à épeler les détails inutiles, comme un enfant qui apprend