Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/150

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de mémoire une leçon obscure. Puis, un soupir le ramenait près du lit, frémissant, la tête bourdonnante de mots scientifiques, dont les syllabes rudes redoublaient son anxiété.

— Eh bien ? demanda madame Chanteau, qui était remontée doucement.

— Toujours la même chose, répondit-il.

Et, s’emportant :

— C’est épouvantable, ce médecin… On aurait le temps de mourir vingt fois.

Les portes étant restées ouvertes, Mathieu, qui couchait sous la table de la cuisine, venait de monter l’escalier, par cette manie qu’il avait de suivre les gens dans toutes les pièces de la maison. Ses grosses pattes faisaient sur le carreau le bruit de vieux chaussons de laine. Il était très gai de cette équipée de nuit, il voulut sauter près de Pauline, se lança après sa queue, en bête inconsciente du deuil de ses maîtres. Et Lazare, exaspéré de cette joie inopportune, lui allongea un coup de pied.

— Va-t-en ou je t’étrangle !… Tu ne vois donc pas, imbécile !

Le chien, saisi d’être battu, flairant l’air comme s’il eût compris tout d’un coup, alla se coucher humblement sous le lit. Mais cette brutalité avait indigné madame Chanteau. Sans attendre, elle redescendit à la cuisine, en disant d’une voix sèche :

— Quand tu voudras… L’eau va être chaude.

Lazare l’entendit, dans l’escalier, gronder que c’était révoltant de frapper ainsi une bête, qu’il finirait par la battre elle-même, si elle restait là. Lui qui, d’habitude, était aux genoux de sa mère, eut derrière elle un geste de folle irritation. À chaque minute, il retournait jeter un coup d’œil sur Pauline. Maintenant,