Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/152

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malade, somnolente, ne put ouvrir la bouche sans jeter des plaintes. Quand il l’eut recouchée doucement, le docteur, très inquiet à son entrée, revint au milieu de la chambre, d’un air plus tranquille.

— Cette Véronique m’a fait une belle peur ! murmura-t-il. D’après les choses extravagantes qu’elle me racontait, j’ai cru à un empoisonnement… Vous voyez, je m’étais bourré les poches de drogues.

— C’est une angine, n’est-ce pas ? demanda Lazare.

— Oui, une simple angine… Il n’y a pas de danger immédiat.

Madame Chanteau eut un geste triomphant, pour dire qu’elle le savait bien.

— Pas de danger immédiat, répéta Lazare, repris de crainte, est-ce que vous redoutez des complications ?

— Non, répondit le médecin après avoir hésité ; mais, avec ces diables de maux de gorge, on ne sait jamais.

Et il avoua qu’il n’y avait rien à faire. Il désirait attendre le lendemain, avant de saigner la malade. Puis, comme le jeune homme le suppliait de tenter au moins de la soulager, il voulut bien essayer des sinapismes. Véronique monta une cuvette d’eau chaude, le médecin posa lui-même les feuilles mouillées, en les faisant glisser le long des jambes, depuis les genoux jusqu’aux chevilles. Ce ne fut qu’une souffrance de plus, la fièvre persistait, la céphalalgie devenait insupportable. Des gargarismes émollients se trouvaient aussi indiqués, et madame Chanteau prépara une décoction de feuilles de ronces, qu’il fallut abandonner dès la première tentative, tellement la douleur rendait impossible tout mouvement de la