Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/161

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était secouée d’un tremblement tel qu’on entendait claquer ses dents. Terrifié, Lazare cria par la fenêtre d’envoyer un gamin à Arromanches, bien qu’il attendît le docteur vers onze heures, comme d’habitude. La maison était plongée dans un silence morne, un vide s’y faisait, depuis que Pauline ne l’animait plus de son activité vibrante. Chanteau passait les journées en bas, silencieux, les regards sur ses jambes, avec la peur d’un accès, pendant que personne n’était là pour le soigner ; madame Chanteau forçait Louise à sortir, toutes deux vivaient dehors, rapprochées, très intimes maintenant ; et il n’y avait que le pas lourd de Véronique, montant et descendant sans cesse, qui troublait la paix de l’escalier et des pièces vides. Trois fois, Lazare était allé se pencher sur la rampe, impatient de savoir si la bonne avait pu décider quelqu’un à faire la course. Il venait de rentrer, il regardait la malade un peu plus calme, lorsque la porte, laissée entrouverte, craqua légèrement.

— Eh bien, Véronique ?

Mais c’était sa mère. Ce matin-là, elle devait mener Louise chez des amis, du côté de Verchemont.

— Le petit Cuche est parti tout de suite, répondit-elle. Il a de bonnes jambes.

Puis, après un silence, elle demanda :

— Ça ne va donc pas mieux ?

D’un geste désespéré, Lazare, sans une parole, lui montra Pauline immobile, comme morte, le visage baigné d’une sueur froide.

— Alors, nous n’irons pas à Verchemont, continua-t-elle. Est-ce tenace, ces maladies où l’on ne comprend rien ?… La pauvre enfant est vraiment bien éprouvée.