Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/162

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Elle s’était assise, elle dévida des phrases, de la même voix basse et monotone.

— Nous qui voulions nous mettre en route à sept heures ! C’est une chance que Louise ne se soit pas réveillée assez tôt… Et tout qui tombe ce matin ! on dirait qu’ils le font exprès. L’épicier d’Arromanches a passé avec sa note, j’ai dû le payer. Maintenant, il y a en bas le boulanger… Encore un mois de quarante francs de pain ! Je ne peux pas m’imaginer ou ça passe…

Lazare ne l’écoutait pas, absorbé tout entier par la crainte de voir reparaître le frisson. Mais le bruit sourd de ce flot de paroles l’irritait. Il tâcha de la renvoyer.

— Tu donneras à Véronique deux serviettes, pour qu’elle me les monte.

— Naturellement, il faut le payer, ce boulanger, poursuivit-elle, comme si elle n’avait pas entendu. Il m’a parlé, on ne peut lui raconter que je suis sortie… Ah ! j’en ai assez, de la maison ! Ça devient trop lourd, je finirai par tout planter là… Si Pauline seulement n’allait pas si mal, elle nous avancerait les quatre-vingt-dix francs de sa pension. Nous sommes au vingt, ça ne ferait jamais que dix jours… La pauvre petite paraît bien faible…

D’un mouvement brusque, Lazare se tourna.

— Quoi ? qu’est-ce que tu veux ?

— Tu ne sais pas où elle met son argent ?

— Non.

— Ça doit être dans sa commode… Si tu regardais.

Il refusa d’un geste exaspéré. Ses mains tremblaient.

— Je t’en prie, maman… Par pitié, laissez-moi.

Ces quelques phrases étaient chuchotées rapide-