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LES ROUGON-MACQUART.

supporter, qu’elle le renvoyait ? Ce serait gentil peut-être, de l’abandonner ainsi, avant de l’avoir remise complètement sur pied ! Il se calma enfin, pendant qu’elle s’expliquait avec douceur.

— Tu ne m’abandonnerais pas pour prendre un peu l’air… Sors l’après-midi. Nous serons bien avancés, si tu tombes malade à ton tour !

Mais elle eut la maladresse d’ajouter :

— Je te vois bien bâiller toute la journée.

— Moi, je bâille ! cria-t-il. Dis tout de suite que je n’ai pas de cœur… Vrai ! tu me récompenses joliment !

Pauline, le lendemain, fut plus habile. Elle affecta un vif désir de voir continuer la construction des épis et des palissades : les grandes marées d’hiver allaient venir, les charpentes d’essai seraient emportées, si l’on ne complétait pas le système de défense. Mais Lazare n’avait déjà plus son coup d’enthousiasme ; il se montrait mécontent de l’assemblage sur lequel il comptait, des études nouvelles étaient nécessaires ; enfin, on dépasserait le devis, et le conseil général n’avait pas encore voté un sou. Pendant deux jours, elle dut alors réveiller son amour-propre d’inventeur : est-ce qu’il consentait à être battu par la mer, devant tout le pays, qui riait déjà ? quant à l’argent, il serait certainement remboursé, si elle l’avançait, comme c’était convenu. Peu à peu, Lazare sembla se passionner de nouveau. Il refit ses plans, il appela le charpentier d’Arromanches, avec lequel il eut des entretiens dans sa chambre, dont il laissait la porte ouverte, afin d’accourir au premier appel.

— Maintenant, déclarait-il en l’embrassant un matin, la mer ne nous cassera pas une allumette, je