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LES ROUGON-MACQUART.

la robe rose de Louise, qui éclataient au soleil. Elle les suivait, les retrouvait toujours, aurait pu raconter l’emploi de leur journée, à un geste près. Maintenant que les travaux étaient poussés vigoureusement, tous deux ne pouvaient plus s’écarter, aller aux grottes, derrière les falaises. Elle les avait sans cesse à un kilomètre, d’une délicatesse amusante de poupées, sous le ciel immense. Et, dans ses forces qui revenaient, dans la gaieté de sa convalescence, entrait pour beaucoup, à son insu, la joie jalouse d’être ainsi avec eux.

— Hein ? ça vous distrait, de regarder travailler ces hommes, répétait chaque jour Véronique, pendant qu’elle balayait la chambre. Bien sûr, ça vaut mieux que de lire. Moi, les livres me cassent la tête. Et, quand on a du sang à se refaire, voyez-vous, faut ouvrir le bec au soleil comme les dindons, pour en boire de grandes goulées.

Elle n’était pas causeuse d’habitude, on la trouvait même sournoise. Mais, avec Pauline, elle bavardait par amitié, croyant lui faire du bien.

— Drôle de travail tout de même ! Enfin, pourvu que ça plaise à monsieur Lazare… Quand je dis que ça lui plaît, il n’a déjà pas l’air si en train ! Mais il est orgueilleux, et il s’obstine, quitte à en crever d’ennui… Avec ça, s’il lâche une minute ces soûlards d’ouvriers, ils lui plantent tout de suite des clous de travers.

Après avoir promené son balai sous le lit, elle continuait :

— Quant à la duchesse…

Pauline, qui écoutait d’une oreille distraite, s’étonnait de ce mot.

— Comment ! la duchesse ?