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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/188

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LES ROUGON-MACQUART.

beaucoup. Et peu à peu, il l’aimait davantage, une véritable passion se dégageait de ces dédains furieux, il se lançait dans cette nouvelle tendresse avec sa fougue première, toujours en quête d’un bonheur qui avortait.

Chez Louise, il n’y avait eu longtemps qu’un jeu naturel de coquetterie. Elle adorait les petits soins, les louanges chuchotées, l’effleurement des hommes aimables, tout de suite dépaysée et triste si l’on ne s’occupait plus d’elle. Ses sens de vierge dormaient, elle en restait seulement au caquetage, aux privautés permises d’une cour galante de chaque minute. Lorsque Lazare la négligeait un instant pour écrire une lettre ou pour s’absorber dans une de ses mélancolies subites, sans cause apparente, elle devenait si malheureuse, qu’elle se mettait à le taquiner, à le provoquer, préférant le danger à l’oubli. Plus tard, cependant, la peur l’avait prise, un jour que l’haleine du jeune homme passait comme une flamme sur sa nuque délicate. Elle était suffisamment instruite par ses longues années de pensionnat, pour ne rien ignorer de ce qui la menaçait ; et, dès ce moment, elle avait vécu dans l’attente à la fois délicieuse et effrayée d’un malheur possible ; non qu’elle le souhaitât le moins du monde, ni même qu’elle en raisonnât nettement, car elle comptait bien y échapper, sans cesser de s’y exposer, pourtant, tellement son bonheur de femme était fait de cette lutte à fleur d’épiderme, de son abandon et de son refus.

En haut, dans la grande chambre, Lazare et Louise se sentirent encore plus l’un à l’autre. La famille complice semblait vouloir les perdre, lui désœuvré, malade de solitude, elle troublée par les détails intimes, les renseignements passionnés que madame