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LA JOIE DE VIVRE.

— Où vas-tu ? demanda-t-elle.

Pauline, suffoquée, irritée de cet obstacle, ne pouvait répondre.

— Laisse-moi, finit-elle par bégayer.

Et elle eut un geste terrible qui fit reculer madame Chanteau. Puis, d’un nouvel élan, elle monta au second étage pendant que sa tante, pétrifiée, levait les bras, sans un cri. C’était un de ces accès de révolte furieuse, dont la tempête éclatait dans la douceur gaie de sa nature, et qui, tout enfant, la laissait comme morte. Depuis des années, elle se croyait guérie. Mais le souffle jaloux venait de la reprendre si rudement, qu’elle n’aurait pu s’arrêter, sans se briser elle-même.

En haut, lorsque Pauline fut devant la porte de Lazare, elle s’y jeta d’un bond. La clef fut tordue, le battant alla claquer contre le mur. Et ce qu’elle vit acheva de l’affoler. Lazare, qui tenait Louise acculée contre l’armoire, lui mangeait de baisers le menton et le cou ; tandis que celle-ci, défaillante, prise de la peur de l’homme, s’abandonnait. Sans doute ils avaient joué, et le jeu finissait mal.

Il y eut un moment de stupeur. Tous trois se regardaient. Enfin, Pauline cria :

— Ah ! coquine ! coquine !

La trahison de la femme surtout l’exaspérait. D’un geste de mépris, elle avait écarté Lazare, comme un enfant dont elle connaissait la faiblesse. Mais cette femme qui la tutoyait, cette femme qui lui volait son mari, tandis qu’elle soignait un malade, en bas ! Elle l’avait saisie aux épaules, elle la secouait, avec des envies de la battre.

— Dis, pourquoi as-tu fait cela ?… Tu as fait une infamie, entends-tu !