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LES ROUGON-MACQUART.

porte ouverte. Elle comptait revenir tout de suite.

— Il faudrait pourtant faire quelque chose, murmura-t-elle. J’ai envie d’essayer des compresses d’eau froide. Le docteur dit que c’est dangereux, mais que ça réussit parfois… Je voudrais du linge.

Véronique était d’une humeur exécrable.

— Du linge !… Je viens de monter pour des torchons, et l’on m’a joliment reçue… Faut pas les déranger, paraît-il. C’est propre !

— Si tu demandais à Lazare ? reprit Pauline, sans comprendre encore.

Mais, emportée, la bonne avait mis les poings sur les hanches, et la phrase partit avant toute réflexion.

— Ah ! oui, ils sont bien trop occupés à se lécher la figure, là-haut !

— Comment ? balbutia la jeune fille, devenue très pâle.

Véronique, étonnée elle-même du son de sa voix, voulant rattraper cette confidence qu’elle retenait depuis si longtemps, cherchait une explication, un mensonge, sans rien trouver de raisonnable. Elle s’était emparée des poignets de Pauline, par précaution ; mais celle-ci, brusquement, se dégagea d’une secousse, et se jeta dans l’escalier comme une folle, si étranglée, si convulsée de colère, que la bonne n’osa la suivre, tremblante devant ce masque blanc, qu’elle ne reconnaissait plus. La maison semblait dormir, un silence tombait des étages supérieurs, seul le hurlement de Chanteau montait, au milieu de l’air mort. La jeune fille d’un élan arrivait au premier, lorsqu’elle se heurta contre sa tante. Celle-ci était là, debout, barrant le palier ainsi qu’une sentinelle, aux aguets depuis longtemps peut-être.