Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/203

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sa tendresse pour son fils : elle l’adorait comme elle ne l’avait peut-être pas adoré au berceau, lorsqu’il était tout à elle, dans ses bras. Du matin au soir, elle le suivait de ses yeux inquiets. Puis, dès qu’ils étaient seuls, elle l’embrassait, elle le suppliait de ne point se faire de la peine. N’est-ce pas ? il ne lui cachait rien, il ne s’amusait pas à pleurer, quand il n’y avait personne ? Et elle lui jurait que tout s’arrangerait, qu’elle étranglerait plutôt les autres, pour que lui fût heureux. Après quinze jours de ces continuels combats, son visage avait pris une pâleur de cire, sans qu’elle eût maigri pourtant. Deux fois, l’enflure des pieds était revenue, puis s’en était allée.

Un matin, elle sonna Véronique et lui montra ses jambes, qui avaient enflé jusqu’aux cuisses, pendant la nuit.

— Vois donc ce qui me pousse ! Est-ce ennuyeux ! Moi qui voulais sortir !… Me voilà forcée de garder le lit. Ne dis rien, pour ne pas inquiéter Lazare.

Elle-même ne semblait point effrayée. Elle parlait simplement d’un peu de fatigue, et toute la maison crut à une courbature. Comme Lazare était allé battre la côte, et que Pauline évitait de monter en sentant sa présence désagréable, la malade cassa les oreilles de la bonne de ses accusations furieuses contre la jeune fille. Elle ne pouvait plus se contenir. L’immobilité où elle était condamnée, les palpitations qui l’étouffaient au moindre mouvement, semblaient la jeter à une exaspération croissante.

— Hein ! que fait-elle en bas ? encore quelque malheur… Tu verras qu’elle ne me montera seulement pas un verre d’eau.

— Mais, madame, répondait Véronique, puisque c’est vous qui la rebutez !