Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/204

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— Laisse donc ! tu ne la connais pas. Il n’y a pas de pire hypocrite. Devant les gens, elle fait son bon cœur ; puis, derrière, elle vous mange… Va, ma fille, toi seule as vu clair, le jour où je l’ai amenée. Si elle n’était jamais entrée ici, nous ne serions point où nous en sommes… Et elle nous finira : Monsieur souffre comme un damné, depuis qu’elle s’occupe de lui ; moi, j’ai le sang tourné, tellement elle me bouscule ; quant à mon fils, il est en train de perdre la tête…

— Oh ! madame, si l’on peut dire ! elle qui est si gentille pour vous tous !

Jusqu’au soir, madame Chanteau se soulagea. Tout y passait, et le renvoi brutal de Louise, et l’argent surtout. Aussi, lorsque Véronique put redescendre après le dîner, et qu’elle trouva Pauline dans la cuisine, s’occupant à ranger la vaisselle, lâcha-t-elle à son tour ce qu’elle avait sur le cœur. Depuis longtemps, elle retenait ces confidences indignées ; mais cette fois les mots sortaient d’eux-mêmes.

— Ah ! mademoiselle, vous êtes bien bonne de prendre garde à leurs assiettes. C’est moi, à votre place, qui casserais tout !

— Pourquoi ça ? demanda la jeune fille étonnée.

— Parce que vous n’en ferez jamais autant qu’on en dit.

Et elle partit de là, et elle remonta aux premiers jours.

— N’est-ce pas une chose à mettre en colère le bon Dieu lui-même ? elle vous a sucé votre argent sou à sou, et cela d’une façon aussi vilaine que possible. Ma parole ! on aurait dit que c’était elle qui vous nourrissait… Quand il était dans son secrétaire, votre argent, elle faisait devant toutes sortes de sala-