Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/208

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détails, le visage de Pauline changeait, une inquiétude en chassait le morne abattement. Malgré tout ce qu’elle venait d’apprendre, elle s’effrayait d’un symptôme qu’elle savait très grave.

— Mais on ne peut la laisser ainsi, dit-elle en se levant. Elle est en danger.

— Ah ! oui, en danger ! s’écria brutalement Véronique. Elle n’en a pas la figure, et elle n’y pense guère en tout cas, bien trop occupée à cracher sur les autres et à se carrer comme un pacha dans son lit… D’ailleurs, elle dort à présent, il faut attendre demain. C’est justement le jour où le docteur vient à Bonneville.

Le lendemain, il fut impossible de cacher davantage à Lazare l’état de sa mère. Toute la nuit, Pauline avait écouté, éveillée d’heure en heure, croyant sans cesse entendre des plaintes au travers du plancher. Puis, au jour, elle s’était endormie d’un si profond sommeil, que neuf heures sonnaient, lorsqu’un bruit de porte l’avait fait se lever en sursaut. Comme elle descendait aux nouvelles, après s’être vêtue à la hâte, elle rencontra justement, sur le palier du premier étage, Lazare qui sortait de chez la malade. L’enflure gagnait le ventre, Véronique s’était décidée à prévenir le jeune homme.

— Eh bien ? demanda Pauline.

Lazare, le visage décomposé, ne répondit pas d’abord. D’un geste qui lui était familier, il se prenait le menton entre ses doigts convulsifs. Et, quand il parla, sa première parole fut cette phrase à peine bégayée :

— Elle est perdue.

Il montait chez lui d’un air d’égarement. Pauline le suivit. Lorsqu’ils furent dans la grande chambre du