Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/211

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avec vous… Au revoir, je vais écrire mon ordonnance en bas.

Pauline, en bas, les empêcha d’entrer dans la salle à manger, car on parlait toujours à Chanteau d’une simple courbature. Elle avait déjà préparé de l’encre et du papier, sur la table de la cuisine. Devant leur impatience anxieuse, le docteur Cazenove confessa que c’était grave ; mais il employait des phrases longues et embrouillées, évitant de conclure.

— Enfin, elle est perdue, cria Lazare, dans une sorte d’irritation. C’est le cœur, n’est-ce pas ?

Pauline eut un regard suppliant que le médecin comprit.

— Oh ! le cœur, dit-il, j’en doute… Du reste, si elle ne peut s’en relever, elle ira peut-être loin encore, avec des ménagements.

Le jeune homme avait eu son haussement d’épaules, son geste colère d’enfant qui n’est point dupe des contes dont on l’amuse. Il continuait :

— Et vous ne m’avertissez pas, docteur, vous qui l’avez soignée dernièrement !… Ces abominations-là ne viennent jamais tout d’un coup. Vous n’aviez donc rien vu ?

— Si, si, murmura Cazenove, je m’étais bien aperçu de quelques petites choses.

Puis, comme Lazare était pris d’un rire méprisant :

— Écoutez, mon brave, je me crois moins bête qu’un autre, et ce n’est pourtant pas la première fois qu’il m’arrive de n’avoir rien prévu et de rester stupide devant la maladie… Vous êtes agaçant, de vouloir qu’on sache tout, lorsqu’il est déjà bien joli d’épeler les premières lignes, dans cette machine compliquée de la carcasse humaine.

Il se fâchait, il écrivait son ordonnance d’une