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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/242

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tacle. La cloche sonnait plus vite, il se fâchait, il criait :

— Roulez-moi dans le corridor. J’entends bien qu’on la descend… Tout de suite, tout de suite. Je veux la voir partir.

Et il fallut que Pauline et Lazare, en grand deuil, déjà gantés, lui obéissent. L’un à droite, l’autre à gauche, poussèrent le fauteuil au pied de l’escalier. En effet, quatre hommes descendaient le corps, dont le poids leur cassait les membres. Quand le cercueil parut, avec son bois neuf, ses poignées luisantes, sa plaque de cuivre gravée fraîchement, Chanteau eut un effort instinctif pour se lever ; mais ses jambes de plomb le clouaient, il dut rester dans son fauteuil, agité d’un tremblement tel, que ses mâchoires faisaient un petit bruit, comme s’il eût parlé tout seul. L’escalier étroit rendait la descente difficile, il regardait la grande caisse jaune venir avec lenteur ; et lorsqu’elle lui effleura les pieds, il se pencha pour voir ce qu’on avait écrit sur la plaque. Maintenant, le corridor était plus large, les hommes se dirigeaient vivement vers le brancard, déposé devant le perron. Lui, regardait toujours, regardait s’en aller quarante années de sa vie, les choses d’autrefois, les bonnes et les mauvaises, qu’il regrettait éperdument comme on regrette la jeunesse. Derrière le fauteuil, Pauline et Lazare pleuraient.

— Non, non, laissez-moi, leur dit-il, quand ils s’apprêtèrent à le rouler de nouveau à sa place, dans la salle à manger. Allez-vous-en. Je veux voir.

On avait déposé le cercueil sur le brancard, d’autres hommes le soulevaient. Le cortège s’organisait dans la cour, pleine de gens du pays. Mathieu, enfermé depuis le matin, gémissait sous la porte