Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/267

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que de fois il avait juré de lutter contre son mal ! Il se raisonnait, il arrivait à regarder la mort en face ; puis, pour la braver, au lieu de veiller dans un fauteuil, il s’allongeait tout de suite sur son lit. La mort pouvait venir, il l’attendait comme une délivrance. Mais, aussitôt, les battements de son cœur emportaient ses serments, et le souffle froid glaçait sa chair, et il tendait les mains en poussant son cri : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » C’étaient des rechutes affreuses, qui l’emplissaient de honte et de désespoir. Alors, la pitié tendre de sa cousine achevait de l’accabler. Les journées devenaient si lourdes, qu’il les commençait sans jamais espérer les finir. À cet émiettement de son être, il avait d’abord perdu sa gaieté, et sa force elle-même à présent l’abandonnait.

Pauline, cependant, voulait vaincre, dans l’orgueil de son abnégation. Elle connaissait le mal, elle tâchait de donner à Lazare de son courage, en lui faisant aimer la vie. Mais il y avait là un échec continuel à sa bonté. D’abord, elle avait imaginé de l’attaquer en face, elle recommençait ses anciennes plaisanteries sur « cette vilaine bête de pessimisme ». Quoi donc ? c’était elle, maintenant, qui disait la messe au grand saint Schopenhauer ; tandis que lui, comme tous ces farceurs de pessimistes, consentait bien à faire sauter le monde avec un pétard, mais refusait absolument de se trouver dans la danse ! Ces railleries le secouaient d’un rire contraint et il paraissait en souffrir tellement, qu’elle ne recommença plus. Ensuite, elle essaya des consolations dont on berce les bobos des enfants, elle s’efforça de lui faire un milieu aimable, d’une paix riante. Toujours, il la voyait heureuse, fraîche, sentant bon l’existence.