Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/268

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La maison était pleine de soleil. Il n’aurait eu qu’à se laisser vivre, et il ne le pouvait, ce bonheur exaspérait davantage son effroi de l’au-delà. Enfin, elle rusait, elle rêvait de le lancer dans quelque grosse besogne, qui l’aurait étourdi. Malade d’oisiveté, n’ayant de goût à rien, il trouvait trop rude même de lire, et passait les jours à se dévorer.

Un instant, Pauline espéra. Ils étaient allés faire une courte promenade sur la plage, lorsque Lazare, devant les ruines des épis et de l’estacade, dont il restait quelques poutres, se mit à lui expliquer un nouveau système de défense, d’une résistance certaine, assurait-il. Le mal provenait de la faiblesse des jambes de force ; il fallait en doubler l’épaisseur et donner à la poutre centrale une inclinaison plus prononcée. Comme il avait sa voix vibrante, ses yeux allumés d’autrefois, elle le pressa de se remettre à l’œuvre. Le village souffrait, chaque grande marée en emportait un morceau ; certainement, s’il allait voir le préfet, il obtiendrait la subvention ; d’ailleurs, elle offrait de nouveau les avances, il y avait là une charité qu’elle se disait glorieuse de faire. Son désir était surtout de le rejeter dans l’action, quitte à y laisser le reste de son argent. Mais, déjà, il haussait les épaules. À quoi bon ? Et il avait pâli, car l’idée lui était venue que, s’il commençait ce travail, il mourrait avant de l’avoir terminé. Aussi, pour cacher son trouble, invoqua-t-il sa rancune contre les pêcheurs de Bonneville.

— Des gaillards qui se sont fichus de moi, quand cette diablesse de mer a fait son ravage !… Non, non, qu’elle les achève ! ils ne riront plus de mes allumettes, comme ils disent.

Doucement, Pauline cherchait à le calmer. Ces