Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/292

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Pauline, exaspéraient davantage l’ennui de Lazare. Jamais il n’avait promené dans la maison autant d’inquiétude, que depuis la paix souriante dont elle endormait chaque pièce. L’achèvement des travaux sur la plage venait d’être pour lui un véritable soulagement, car toute préoccupation l’obsédait ; et il n’était pas plus tôt retombé dans l’oisiveté, qu’il s’y dévorait de honte et de malaise. Chaque matin, il changeait de nouveau ses projets d’avenir : l’idée d’un journal était abandonnée comme indigne ; il s’emportait contre la pauvreté qui ne lui permettait pas de se livrer tranquillement à une grande œuvre littéraire et historique ; puis, il avait fini par caresser un plan, se faire professeur, passer des examens, s’il le fallait, pour s’assurer le gagne-pain nécessaire à son travail d’homme de lettres. Entre Pauline et lui, il ne semblait rester que leur camaraderie d’autrefois, comme une habitude d’affection qui les faisait frère et sœur. Lui, dans cette familiarité étroite, ne parlait jamais de leur mariage, soit oubli complet, soit chose trop répétée et qui allait sans dire. Elle, aussi, évitait d’en parler, certaine qu’il consentirait au premier mot. Et, cependant, un peu du désir de Lazare s’était retiré d’elle chaque jour : elle le sentait, sans comprendre que son impuissance à le sauver de l’ennui n’avait pas d’autre cause.

Un soir, au crépuscule, elle montait l’avertir que le dîner était servi, lorsqu’elle le surprit cachant en hâte un objet qu’elle ne put reconnaître.

— Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle en riant. Des vers pour ma fête ?

— Mais non, dit-il très ému, la voix balbutiante. Rien du tout.