Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/302

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suite, on employa l’après-midi à l’installation de la nouvelle venue. Elle reprit sa chambre du premier étage. Le soir, si madame Chanteau était descendue se mettre à table, de son petit pas rapide, on aurait cru que le passé tout entier renaissait.

Pendant près d’une semaine encore, la gêne continua. Lazare, qui n’osait interroger Pauline, ne s’expliquait toujours pas ce qu’il considérait comme un singulier coup de tête ; car la pensée d’un sacrifice possible, d’un choix offert simplement et grandement, ne lui venait point. Lui-même, dans les désirs qui ravageaient son oisiveté, n’avait jamais songé à épouser Louise. Aussi, depuis qu’ils se retrouvaient ensemble tous les trois, en résultait-il une situation fausse, dont ils souffraient. Ils avaient des silences embarrassés, certaines phrases restaient à moitié sur leurs lèvres, par crainte d’une allusion involontaire. Pauline, surprise de ce résultat imprévu, était obligée d’exagérer ses rires, pour retourner à la belle insouciance d’autrefois. Mais elle eut d’abord une joie profonde, elle crut sentir que Lazare lui revenait. La présence de Louise l’avait calmé, il la fuyait presque, évitait de se trouver seul avec elle, révolté à la pensée qu’il pourrait tromper encore la confiance de sa cousine ; et il se rejetait vers celle-ci, tourmenté d’une tendresse fiévreuse, la proclamant d’un air attendri la meilleure de toutes les femmes, une vraie sainte dont il se déclarait indigne. Elle, bien heureuse, jouissait divinement de sa victoire, quand elle le voyait si peu aimable pour l’autre. Au bout de la semaine, elle lui adressa même des reproches.

— Pourquoi te sauves-tu, dès que je suis avec elle ?… Cela me chagrine. Elle n’est pas chez nous pour que nous lui fassions mauvais visage.