Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/303

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Lazare, évitant de répondre, eut un geste vague. Alors elle se permit cette allusion, la seule qui lui échappa jamais :

— Si je l’ai amenée, c’est pour que tu saches bien que depuis longtemps vous avez mon pardon. J’ai voulu effacer ce vilain rêve, il n’en reste rien… Et, tu vois je n’ai plus peur, j’ai confiance en vous.

Il la saisit entre ses bras, et la serra très fort. Puis, il promit d’être aimable pour l’autre.

À partir de ce moment, les journées coulèrent dans une intimité charmante. Lazare ne paraissait plus s’ennuyer. Au lieu de remonter chez lui, de s’y enfermer en sauvage, malade de solitude, il inventait des jeux, il proposait des promenades, dont on rentrait grisé de grand air. Et ce fut alors, insensiblement, que Louise le reprit tout entier. Il s’accoutumait, osait lui donner le bras, se laissait pénétrer de nouveau par cette odeur troublante, que le moindre bout de ses dentelles exhalait. D’abord, il lutta, il voulut s’éloigner, dès qu’il sentit monter l’ivresse. Mais sa cousine elle-même lui criait d’aider la jeune fille, le long des falaises, lorsqu’ils avaient un ruisseau à sauter ; et elle sautait gaillardement, en garçon, tandis que l’autre, avec un léger cri d’alouette blessée, s’abandonnait entre les bras du jeune homme. Puis, au retour, il la soutenait, leurs rires étouffés, leurs chuchotements à l’oreille recommençaient. Rien encore n’inquiétait Pauline, elle gardait son allure brave, sans comprendre qu’elle jouait son bonheur, à n’être pas lasse et à n’avoir pas besoin d’être secourue. L’odeur saine de ses bras de ménagère ne troublait personne. C’était avec une sorte de témérité souriante qu’elle les forçait à mar-