Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/316

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Pauline, de ses deux bras charitables, l’étreignit de nouveau, l’empêcha de continuer, en lui serrant la tête contre sa poitrine.

— Tais-toi, méchante enfant !… Il le faut, songeons à lui.

Le silence retomba, elles restèrent dans cette étreinte. Déjà épuisée, Louise cédait, s’abandonnait avec sa langueur caressante ; et un flot de larmes était remonté à ses yeux, mais des larmes douces, qui coulaient lentement. Sans parler, elle pressait par moments son amie, comme si elle n’eût rien trouvé de plus discret ni de plus profond pour la remercier. Elle la sentait au-dessus d’elle, si saignante et si haute, qu’elle n’osait même lever les yeux, de peur de rencontrer son regard. Cependant, au bout de quelques minutes, elle se hasarda, renversa la tête dans une confusion souriante, puis haussa les lèvres et lui donna un baiser muet. La mer, au loin, sous le ciel sans tache, n’avait pas une vague qui rompît son bleu immense. C’était une pureté, une simplicité où longtemps encore elles égarèrent les paroles qu’elles ne disaient plus.

Lorsque Lazare fut rentré, Pauline le rejoignit dans sa chambre, cette vaste pièce aimée où ils avaient grandi tous deux. Elle voulait, le jour même, aller au bout de son ouvrage. Avec lui, elle ne chercha point de transition, elle parla résolument. La pièce était pleine des souvenirs d’autrefois : des algues sèches traînaient, le modèle des épis encombrait le piano, la table débordait de livres de science et de morceaux de musique.

— Lazare, demanda-t-elle, veux-tu causer ? J’ai des choses sérieuses à te dire.

Il parut surpris, vint se planter devant elle.